Violence sexuelle, la vie après…

Entre douleurs physiques et traumatismes psychologiques, les conséquences du viol affectent la vie des victimes à vie. Mais quel qu’en soit l’ampleur, il est possible de se reconstruire.

« Je peux oublier ma date de naissance mais jamais, je ne pourrai oublier la date de mon viol ». Sept années après avoir été victime de viol, Louise a du mal à oublier. Agé de 30 ans aujourd’hui, la jeune femme se bat pour se reconstruire mais, la douleur reste omniprésente. « Cela m’a pris du temps pour apprendre à refaire confiance aux autres. Après mon viol, j’en voulais à la terre entière, à ma famille, à mes amis parce que personne ne m’a cru », lâche-t-elle avec un sourire à demi-teinte.

« Tout le monde croyait en la vengeance. J’ai subi un viol collectif orchestré par mon petit ami de l’époque. Le pire, c’est qu’il l’a fait juste quelques jours après notre séparation. Du coup, tout le monde voyait mon accusation comme une sorte de vengeance. Personne n’a pris ma défense au point où, on m’a interdit de porter plainte. C’était vraiment horrible », explique Louise.

Au Cameroun, 55% des femmes (de 15-50 ans) ont déjà subi différentes formes de violence au-moins depuis l’âge de 15 ans, d’après les statistiques de l’Association de lutte contre les violences faites aux femmes (ALVF). Mireille, une victime de viol trouve cette statistique alarmante. Elle appelle les pouvoirs publics à plus d’effort pour protéger les femmes.

Le viol affecte le corps et l’esprit

« Dans mon cas, le viol était ma première expérience sexuelle. Je n’avais que 16 ans et je profitais pleinement de ma jeunesse. J’avais des rêves et un matin, je me suis réveillée dans le noir comme si c’était le premier jour de ma vie. Oui ça l’était effectivement, le premier jour d’une nouvelle vie, plus triste que la première », raconte Mireille, Enseignante.

Quelle que soit la forme de viol, les victimes sont unanimes : la douleur est à la fois physique et psychologique. La psychiatre Ann Burgess et la sociologue Lynda Lytle Holmstrom sont les premières à avoir catalogué les conséquences d’un viol sous l’appellation de rape trauma syndrome (trouble de stress post-traumatique après un viol). Le trouble définit un canevas commun de symptômes psychologiques et physiques communs à la plupart des victimes de viol durant, immédiatement après et pendant des mois et des années après le viol. Parmi les symptômes les plus courants elles citent : diminution de la vigilance, vomissements, nausée, anxiété paralysante, terreur persistante, obsession de se laver, hystérie, mauvaise santé en général, sentiment d'abandon, sautes d'humeur, troubles du sommeil, insomnie, Flashback, délaissement de son apparence physique, etc.

Se reconstruire…

Même si le viol est un acte déshumanisant le chemin qui mène à la reconstruction existe.  Pour Minou Chrys-Tayl, Consultante en droit des femmes, deux principaux paramètres sont à prendre en compte dans le processus de reconstruction « après un viol, on est détruit il faut d’abord consulter un spécialiste de la santé mentale, ensuite avoir le soutien de son entourage ».  La spécialiste accorde une grande importance à ce protocole « si rien n’est fait, la victime peut plonger dans l’addiction, alcool, drogue et autres », a-t-elle ajouté.

L'activiste féministe Minou Chrys-Tayl initie régulièrement des campagnes sur les réseaux sociaux pour inciter les victimes d'abus à rompre le silence. Un avis partagé par l'écrivain Félix Mbetbo, auteur du controversé ''Coupez leur le zizi' qui regroupe les témoignages de victimes. Pour lui, il existe une négation de la parole des victimes qui pousse au silence. Ce qui ne permet pas une bonne prise en charge. De plus, ce silence est un obstacle à la collecte de données régulièrement mises à jour sur les agressions et violences sexuelles et sur le profil des victimes.

Faire face à la stigmatisation

Parler pour guérir c’est la thérapie que s’est imposée Mireille. « Je prends généralement deux à cinq minutes pendant mes cours pour sensibiliser mes élèves sur le viol. Pendant que je sensibilise, ça me permet d’extérioriser ma douleur. Et cela me fait un grand bien ».

Les survivants de viol doivent faire face aux comportements stigmatisants. Celle-ci peut prendre place à un niveau personnel, au sein de la famille ou de la communauté, mais aussi à un niveau institutionnel, dans le système judiciaire. La culpabilité et la honte générées par nombre d’idées reçues découragent souvent les victimes d’en parler. Cette stigmatisation repose en partie sur l’idée que les violences sexuelles sont dégradantes pour la victime, non pour l’agresseur.

« Tout le monde te regarde de travers, tu reçois les observations du genre, tu l’as bien cherché, pourquoi tu étais habillé comme cela, c’est parce que tu bouges beaucoup… et même dans la famille on te demande de ne pas en parler. Et parfois c’est tout cela qui rend la situation encore plus difficile. » Ajoute Mireille.

Entre traumatisme et le regard des autres, les spécialistes sont unanimes, il existe des chances de refaire sa vie. Le chemin est long et périlleux mais il est praticable avec beaucoup de patience on y arrive.



Vanessa Ngono

Etudiante en master II à l'université de Yaoundé I