Les « dessous » des coopératives scolaires

Conçues pour accompagner les activités post et périscolaires, ces associations d’élèves perdent souvent de leur objectif pour se transformer en « club d’élites » au sein des établissements.

Un Mercredi soir du mois d’octobre, Mbala Yves Lionel, 18 ans, élève en classe de Terminale Comptabilité et Gestion est désigné suite à une élection comme Président de la Coopérative du Lycée Technique de Soa. Une fonction qui n’est pas toute nouvelle pour lui, puisque c’est la deuxième année consécutive que Mbala est choisie par ses pairs pour être leur représentant auprès de l’administration.

Mais, avant d’arriver au jour de son sacre, le jeune élève a passé près d’un mois à convaincre les électeurs, composés principalement des délégués de classe. Entre lobbying, bouche à oreille et distribution des flyers, rien n’a été fait au hasard. Et dans certains cas, il a même fallu faire alliance avec les électeurs pour « acheter » leur vote en leur garantissant une place au sein de l’organisation. Ce n’est donc pas une coïncidence si dans la majorité des cas, le président de la coopérative est parmi les plus aisés ou celui qui représente les « boboh » de l’établissement.

Etre président de coopérative revêt de nombreux avantages « officieux » selon certains membres de la coopérative d’un établissement de la ville de Yaoundé. D’abord, on devient forcément l’élève le plus connu de l’établissement. Une position qui s’accompagne de privilèges tels qu’avoir les plus belles filles de l’école à sa solde, un cortège de camarades marchant derrière vous et toujours prêts à vous servir. Les trafics d’influence, les abus de toutes sortes et le mépris ne sont jamais bien loin.

Mais, à quoi servent vraiment les coopératives scolaires ?

 Régies par le texte sur le fonctionnement des activités post et périscolaires, les coopératives sont chargées entre autres de porter les besoins des élèves à l’administration, de sensibiliser les élèves sur les sujets sociaux. Aussi, elles sont garantes de l’organisation des activités sportives, culturelles à l’instar des kermesses ou des championnats interclasses.

Plus qu’une simple assemblée élective dont l’appartenance permettrait aux membres de « frimer », diriger une coopérative est un vrai travail de leadership communautaire. Il faut pour cela, avoir un véritable plan d’action qui cadre avec les attentes des élèves. « C’est ce que n’ont généralement pas les coopératives, ils prennent un seul événement au sérieux : la kermesse, en dehors de cela plus rien » nous confie un chef d’établissement. Une thèse qui peut sembler se confirmer au regard des animations durant la semaine de la jeunesse. Dans la ville de Yaoundé par exemple, c’est presque devenu une concurrence entre les établissements : les cortèges de voitures de luxes, les artistes invités pour l’évènement, bref, tout est fait ici pour impressionner. À côté, la promotion de la culture et la sensibilisation sont presque oubliées. Et pourtant, ce ne sont pas les sujets de sensibilisation qui manquent entre la consommation des drogues, l’alcoolisme, le tribalisme, les maladies sexuellement transmissibles, les rapports sexuels précoces, le sponsoring, l’hygiène et la salubrité. De quoi remplir tout une année scolaire.

Quid du financement

D’après le Guide des personnels de Direction des établissements d’enseignement secondaire au Cameroun, il est prévu une retenue de 200 FCFA sur les frais exigibles de chaque élève. La somme ainsi collectée, est affectée au fonctionnement des activités post et périscolaires donc, de la coopérative. Ainsi, il faut comprendre que les budgets des coopératives varient selon la taille des établissements.

Généralement, les budgets sont alloués non de façon annuelle, mais plutôt par activité. C’est-à-dire qu’avant chaque activité à organiser, le président de la coopérative dépose auprès du chef d’établissement une facture dont le paiement est ordonné par ce dernier. Toutefois, lors de l’appréciation de l’activité, le chef d’établissement peut décider de revoir le plus souvent à la baisse le budget proposé. Cette manœuvre est souvent dans bien des cas un élément de discorde entre la coopérative et l’administration, la première accusant la deuxième de malversation financière.

Souvent, pour palier au faible financement, les coopératives n’hésitent pas à signer des partenariats avec les annonceurs et les ONG. À défaut, le surplus d’argent est généralement apporté sur fonds propres des membres du bureau pour éventuellement espérer se faire rembourser par les revenus collectés sur les ventes de tickets d’entrée lors des évènements culturels comme les kermesses. Là encore, il n’est pas exclu que le président use de sa notoriété pour faire main basse sur l’argent. Dans certains cas, la bataille pour la redistribution des fonds signe la mort de la coopérative. Cela expliquant aussi pourquoi la kermesse, qui se déroule au mois de février restent la seule activité de l’année.



Vanessa Ngono

Etudiante en master II à l'université de Yaoundé I